Ancestor’s Legacy – Une musique violente pour un jeu brutal

Ancestor’s Legacy – Une musique violente pour un jeu brutal

1 octobre 2020 0 Par Richter

Ancestors Legacy est un Real-Time Strategy game (un jeu de stratégie en temps réel, abrégé en RTS) développé par Destructive Creation, un studio indépendant polonais. Le jeu s’apparente à Company of Heroes 2 du point de vue du gameplay, mais en est bien loin du point de vue du setting : il s’agit ici d’un jeu qui prend place à l’époque médiévale, des vikings (IXe siècle environ) aux chevaliers teutoniques dans un premier DLC, puis aux troisièmes croisades dans un second (XIIe siècle). Le jeu est sorti le 22 mai 2018, sur PC uniquement, puis sur consoles un an plus tard. Le jeu se veut volontairement violent et nous pouvons l’entendre dès les premiers instants après le démarrage du jeu : les chœurs d’hommes puissants chantant en norvégien pour évoquer les redoutables Vikings et le fidule (une sorte de violon médiéval) aux cordes malmenées (à 1:29 notamment) couplés aux visuels sanglants et gores donnent le ton du jeu vidéo.

On retrouve à la bande-son Adam Skorupa et Krzystof Wierzynkiewiecz, qui s’étaient tous deux déjà illustrés sur The Witcher 2 : Assassin of Kings. Ils servent un original soundtrack de grande qualité, aux sonorités rappelant celles de The Witcher en reprenant des instruments du folklore pour retrouver des sonorités criardes, tribales, moyenâgeuses. Elles donnent au jeu un sentiment d’héroïsme médiéval, notamment dans des pistes comme Vengeance of the Easterners, dans laquelle on peut entendre ce qui semble être un fidule. A la basse, on peut entendre un wspak, comme illustré dans la vidéo ci-dessous :

On entend au début de Vengeance of the Easterners donc un wspak, qui fait office de basse. Celle-ci est ronde, naturelle mais aussi originale avec un timbre folklorique et authentique. Les voix sont gutturales dans Round-Shielded Invaders, qui met en scène les vikings comme son nom l’indique. Les voix de femmes dans Howlings of the Dark Past sont des voix puissantes, dans la poitrine. Ces voix magnifiques entrecoupées de silences et de petites interventions de ce qui me semble être un fidule renforcent la tension du jeu. Ces voix féminines guerrières sont surtout fortes dans Vengeance of the Easterners, qui est une des musiques de bataille des slaves. Les impulsions de ces voix, agressives et guerrières, ces petits « ouah! » que l’on entend et ponctuant les lignes vocales, renforcent le coté martial de la musique, soutenant la situation dans ce jeu de bataille tactiques. Ces voix et ces effets de vibrato (quand la voix « vibre ») se retrouvent également dans My Strength Lies in Veles, une autre musique de combat des slaves, comme son nom l’indique, Vélès étant le dieu slave de la guerre. Les percussions, quant à elle, évoquent quelque part les archers de cavalerie slaves, galopant sans cesse, faisant claquer les sabots de leurs chevaux dans un ballet sans fin.

Du côté de la musique des allemands, l’accent a été mis sur des chœurs faisant penser à des champs de moines, mais dans un registre grave. De la même façon, les titres des morceaux font souvent référence à la religion catholique. Dans Sworn to the Cross (littéralement Juré à la Croix), qui est une des musiques qui joue lorsque les allemands ne sont pas en combat, des chœurs à l’unisson et dans les graves brisent le silence instauré par une résonance de grosse caisse et de gong, à 0:38. Tout comme Howlings of the Dark Past, des moments de silence ponctuent la musique, entre les chœurs et les différentes rythmiques et motifs joués à divers instruments. Les instruments folkloriques ont laissé place à un orchestre de cordes et de puissants cuivres, qui sont notamment présents dans Defenders of the Holy Empire. Y sont toujours présents ces chœurs d’hommes, à 1:09, qui quittent l’unisson de la musique que nous avons vu juste avant et chantent des quartes, un intervalle toléré à l’époque du Moyen-Âge. De plus, cette musique est jouée en mesure à trois temps, elle aussi vantée par la musique sacrée en son temps. Ces quartes et cette mesure à trois temps s’illustrent comme suit :

En effet le jeu se déroule ainsi : chaque joueur a une base principale à défendre, sur laquelle il peut construire plusieurs bâtiments militaires : une caserne, un pas d’archerie et autres, mais aussi un atelier de siège et une église. Mais pour construire ces bâtiments et créer des troupes, il faut trouver des ressources : le joueur doit alors pénétrer dans le brouillard de guerre et avancer prudemment pour conquérir des villages et s’accaparer le droit de récolter ses ressources… Mais gare aux attaques par surprise : si vos archers se font prendre de flanc par une troupe de guerriers vikings ou pire encore, par derrière par une charge de cavalerie allemande, l’escouade risque fort d’être perdue et il faudra payer à nouveau le prix fort pour la remplacer… La tension est donc mise en exergue par la musique, car les batailles peuvent être éclairs et déterminantes. La micro, cette capacité du joueur à contrôler ses unités à l’aide de la souris et des touches du clavier de façon très rapide, est indispensable pour gagner dans ce jeu de stratégie : mettez l’infanterie devant, contournez avec les archers et prenez par le flanc avec la cavalerie ! Le moral des ennemis n’en sera que plus affaibli. Coupez ensuite leurs réserves de ressources, et surtout leur nourriture. Ces principes de la guerre, utilisés au Moyen-Âge, sont la clé de votre réussite.

Chaque civilisation a ainsi sa propre identité musicale : les vikings ont les chœurs gutturaux d’hommes, les allemands les chœurs à sonorité grégorienne, les slaves leurs voix de femmes puissantes et les saxons des instruments à cordes. Ceci contribue à immerger le joueur dans la culture de sa civilisation. Ainsi, pour les allemands par exemple, une recherche musicologique permet de reprendre des éléments musicaux de la musique sacrée occidentale pour les mettre en musique de façon claire et parlante.

Au joueur alors de tout donner pour la survie du peuple qu’il aura choisi de jouer. « They say happy nations have no history. »